Dans le cadre de l'exposition actuellement au Colysée, découvrez l'entretien avec Marie Pelé et Cédric Sueur, éthologues et primatologues, lambersartois
« Chez les macaques du Japon, il y a beaucoup de rapprochements avec les humains »
Qu’est ce qu’un éthologue ?
- M.P. : L’éthologie, c’est la science du comportement animal, mais aussi des êtres humains. C’est basé sur l’observation des animaux dans leur milieu naturel et ça passe par des protocoles très cadrés, mais on peut aussi être amené à faire de l’expérimentation en milieu contrôlé. C’est passionnant d’essayer de comprendre les comportements des animaux, en particulier les macaques.
Qu’est-ce qui vous a amenés à étudier les macaques du Japon ?
- C.S. : J’ai commencé ma thèse sur la prise de décision de différentes espèces de macaques. Puis je suis parti au Japon un an étudier plus précisément les macaques japonais. Ça m’a amené à travailler sur la transmission des comportements.
- M.P. : C’est au Japon que sont nées l’éthologie et la primatologie. Les macaques japonais sont la première espèce de singes à avoir été étudiée de manière systématique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pourquoi avez-vous participé à cette exposition sur les macaques japonais ?
- M.P. : Au Japon, on suivait un blog de deux illustrateurs, et quand ils sont rentrés en France, à Strasbourg, comme nous à l’époque, on a commencé à travailler ensemble car on s’est aperçu qu’il y avait très peu de médiation scientifique autour du macaque japonais.
- C.S. : Ce projet a d’abord été un livre d’explications avec les photos d’Alexandre Bonnefoy, puis une expo qui tourne depuis 2016, puis on en a fait un film de 26 minutes avec Aurélien Prudor. C’est la première fois que l’exposition est réunie avec le film.
Qu’est-ce qui est marquant chez les macaques japonais ?
- M.P. : En fonction des groupes, sur les différentes grandes îles, on va avoir des comportements culturels bien particuliers. Ça peut être de se baigner dans les sources d’eau chaude, c’est très souvent l’image d’Epinal, mais il y aussi chez d’autres groupes la manipulation de pierres, le fait de faire des boules de neige pour jouer, de faire du rodéo sur des cerfs...
- C.S. : On a pensé pendant longtemps que la culture restait une chose très humaine, puis on a démontré que la culture s’appliquait aux macaques japonais, aux chimpanzés, et maintenant à presque toutes les espèces animales.
Est-ce qu’on a donc raison d’essayer de se retrouver, humain, dans cet animal ?
- C.S. : Cette question de l’anthropomorphisme est une question vraiment principale en ce moment chez les primatologues et les éthologues. Chez les macaques, il s’avère qu’il y a beaucoup de rapprochements avec les humains. Les processus intellectuels derrière les comportements sont le plus souvent similaires.
- M.P. : Certains des comportements culturels des macaques japonais sont d’origine anthropique, ils ont imité les humains. C’est ça aussi la culture, c’est un nouveau comportement qui va se transmettre.
- C.S. : Mais aussi, en tant qu’humain, on a beaucoup copié ce qu’il y avait dans la nature, on a beaucoup observé. Donc on n’est plus dans de l’anthropomorphisme, en fait on se copie tous. Cela nous fait sentir plus proches des animaux. Nous animerons des conférences à ce sujet.
En avez-vous fini avec ce sujet ?
- M.P. et C.S. : C’est sûr que non ! On a un programme d’échanges avec l’université de Kyoto pour continuer à étudier les macaques japonais. Mais on mourra, on n’aura pas toutes les réponses !