Les filateurs Crépy, Léon et ses deux fils Maurice et Fernand, lotissent dès 1900 les prairies autour de la future place de la Victoire, achetées au fermier Defives en 1896. La ferme Defives, détruite en 1944, se trouvait à la place du parking de la cantine municipale. Des photos d'Auguste Bonte de novembre 1893 montrent les prairies avec des moutons.
Le nouveau lotissement résidentiel deviendra le noyau du quartier Mairie. Il est voisin du lotissement ouvrier de Canteleu que Léon Crépy a réalisé près de son usine de fil de coton créée en 1889, rue Flament-Reboux. Fernand édifie son château des Charmettes en 1902, ce qui n'est pas le cas de Maurice.
Celui-ci cède sa « campagne du Pré Fleuri » à son cousin Gabriel en 1910, après les décès de sa femme en 1900, de son père en 1906 et de son frère en 1909. Il se consacrera exclusivement à la filature familiale jusqu'à son décès en 1935, l'usine étant le premier employeur de la ville. Son fils Claude prend la relève jusqu'à la fermeture de l'usine en 1965.

L'architecte Jean-Baptiste Maillard et son fils Henri, dont les signatures figurent à droite des colonnes, construisent pour Gabriel Crépy, filateur à Lille-Vauban, le château débuté en 1911 et achevé en 1913. Gabriel aura peu de temps pour profiter de sa belle demeure : il décède avec son père Eugène en 1916 comme otages ; le château est alors occupé par le chef de la kommandantur, le colonel Bolze, de sinistre réputation. La kommandantur est installée dans une grande villa en face des serres dans l'avenue des Acacias, devenue avenue Clemenceau . Les villas proches servent de prisons. Le château sera encore occupé en 1940-1944.

La façade d'accueil offre une composition néoclassique de style Louis XIV. Sous le toit mansardé aux oeils-de-boeuf, la tête du dieu Neptune sur coque de bénitier entre deux poissons cracheurs, comme un clin d'oeil à la grande fontaine du parc du château de Versailles, illustre le tympan central au-dessus du balcon sur colonnes ioniques. Volutes et coquilles décorent les clefs de voûte, frontons de lucarnes et grilles.

Le hall de réception et son monumental escalier à rampe en fer forgé, les salons et le bureau-bibliothèque (ancien bureau du maire) ont gardé leur splendeur, avec de magnifiques boiseries et des sculptures en simili-pierre de style Empire. La salle des mariages occupe le grand salon de couleur vert Napoléon aux colonnes corinthiennes. On y trouve au-dessus de la cheminée, une sculpture en simili-pierre mêlant roses et carquois, allégorie de la Nature. Dans le bureau, maintenant occupé par le 1er adjoint, des reliefs à l'antique tel le « Sacrifice en offrande aux dieux », forment une frise au-dessus de la somptueuse bibliothèque, d'où ressort un guéridon aux cariatides ailées de l'Empire byzantin.

Dessiné par le paysagiste Jules Contal, le jardin à la française est bordé de tilleuls taillés. On trouve dans le jardin une vasque aux enfants et chien, figure antique, ainsi qu'une vasque à têtes de bélier, symboles de la puissance de l'industrie textile. Deux communs pittoresques à colombage se font face à l'entrée.
A droite, les bureaux du CCAS et de Sodexo au rez-de-chaussée sont dans les anciennes charrerie et écurie de type normand (logement du cocher et grange à fourrage au-dessus.
Sur les murs, les têtes de lion avec crochets permettaient d'attacher les chevaux. Les deux ailes sont disposées autour d'une cour pavée avec un puits daté de 1911. Un blason de Roubaix est placé au-dessus de l'entrée du CCAS : Roubaix est la ville d'origine des Crépy, anciens filateurs de laine, puis de lin à Lille, enfin de coton. A gauche la maison du jardinier-concierge de 1900 (voir la fontaine avec figure grotesque) est devant les vastes serres.
Derrière le château centenaire, un arc à l'antique du même âge, dont la forme à volutes et la coquille du fronton rappellent le château, est illustré du thème de la germination. Il invite à la promenade dans le jardin anglais joignant le romantique parc des Charmettes. Les massifs fleuris derrière les grilles d'honneur, récemment restaurées, font l'admiration des promeneurs depuis un siècle, quand le jardinier Wartelle soignait les massifs de tulipes de Hollande choisies par Madame Crépy.

Le jardin change de thème chaque année pour le concours des villes fleuries (« Trois Fleurs » en 2012). L'avenue des Lilas, achevée en 1914, offre une belle perspective du château en venant de l'avenue de l'Hippodrome.

Le château du Pré Fleuri devient l'hôtel de ville de Lambersart en 1950, ce qui en fait notre 8ème mairie depuis 1790, après quatre petites au Bourg, un hôtel de ville avenue de l'Hippodrome de 1896 à 1936 (détruit en 1965), le château des Charmettes de 1937 à 1940 (incendié lors de la guerre, les ruines sont arasées en 1949 et le parc resté municipal est réaménagé), et le château de Valéry Decroix dit villa Heurtebise, 2 avenue Foch, de 1940 à 1949.

Président du comité local de Libération, Albert Liévin devenu maire vote l'acquisition du château fin 1946 auprès de Mme veuve Gabriel Crépy-Ladame. Cependant l'indemnité est jugée trop basse par la propriétaire; une négociation à la hausse a lieu en 1947 et 1948 avec le nouveau maire, le colonel Julien Corbeil. L'achat officiel intervient le 21 janvier 1949, des travaux d'aménagement s'effectuent ensuite. Le nouvel hôtel de ville ne sera pas inauguré officiellement car Julien Corbeil connaît des problèmes de santé et doit démissionner. Il est remplacé le 7 mai 1950 par Marcel Caloone, administrateur,alors conseiller municipal. Celui-ci sera un bon gestionnaire et un maire bâtisseur de 1950 à 1968. Se succéderont les maires Jules Maillot (1968-1973), industriel, cousin du Général de Gaulle, puis Georges Delfosse (1973-1988, décédé en exercice),ancien résistant, député en 1978, enfin Marc-Philippe Daubresse, ingénieur, député et ancien ministre.

En 1983, l'extension de la mairie est réalisée sur le terrain de sport derrière le château, en perçant l'ancienne salle à manger. En 1990, des services municipaux intègrent le château Bonte réhabilité en Centre Charles de Gaulle, rue de la Carnoy. On trouve des éléments pittoresques insoupçonnés sur le parking de la mairie : certains poteaux d'éclairage sont des candélabres à gaz de ville de 1890 recyclés ou des pylônes de caténaire de tramway électrique de 1900 récupérés (la ligne M est en activité jusque 1940 avenue de l'Hippodrome). L'hôtel de ville, ancien château du Pré Fleuri, constitue un des fleurons du patrimoine remarquable de Lambersart.